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ROY AMOTZ

Pour invoquer les nuages
Une invitation à voler vers soi

Roy Amotz - New album - To invoke the clouds

Un paysage musical

 

Toru Takemitsu - Air                                                                           6:31

J.S. Bach* -  Prélude (Suite pour violoncelle seul I BWV 1007)             2:24

Joji Yuasa -  Mai Bataraki II    pour flûte alto                                       7:31 

J.S. Bach* - Allemande  (Partita pour violon II, BWV 1004)                 4:47

John Thow -   To Invoke the Clouds pour flûte baroque                       7:06

Giacinto Scelsi - Quays pour flûte baroque                                 3:28

Toru Takemitsu -  Itinerant                                                                     4:06      

J.S. Bach* - Menuets  (Suite pour violoncelle seul I BWV 1007)           2:52

Tristan Murail - Unanswered Questions                                                4:38

J.S. Bach* -   Sarabande  (Suite pour violoncelle seul V BWV 1011)      2:57

Bnaya Halperin-Kaddari** - Ivsha {murmure} pour flûte et électronique 4:26

J.S. Bach* - Prélude   (Suite pour violoncelle seul II BWV 1008)           3:37

 

TT 54:24

 

 

*transcriptions pour flûte baroque de Roy Amotz

** À la mémoire de Isamu Noguchi

***commande spécifique pour cet album

Roy Amotz, Flûtes 

(Powell/Nagahara, Mönich, Sankyo Altoflute, Naust/Polack Baroque flute)

 

Enregistrement, editing, mixage, mastering - Justus Beyer

Enregistré à l’église Nikodemus, Berlin 30.8.22-1.9.22

Images et design : Shahar Golan Sarig 

© tous droits réservés

 

Je dédie cet album à la mémoire de Tal Szwarc. Tal, de par son amour, sa profonde sagesse et son calme intérieur, m’a fait ce don rare : une invitation à être, tout simplement. Elle me manque immensément. 

J’exprime également ma profonde gratitude à Shahar Sarig pour une merveilleuse collaboration musicale, ainsi qu’à Meravi, Gura, Julie, Justus, Corey, Jean-Paul, Nir, Bnaya, Sibylle, Raz, Michael, Marlies, Didier, Daniel, et tous ceux qui m’ont aidé à faire naître cet album.

Cette conversation entre flûte et espace s’évertue à dissoudre l’illusion de la séparation. La dimension transcendantale de l’œuvre de Bach y joue avec les ombres subtiles de la flûte japonaise Shakuhachi pour confluer en une rivière interculturelle de son et d’espace. Une invitation à toujours rechercher les chemins de l’esprit, et à s’y abandonner. Notre voyage le plus intime, toujours vers l’intérieur, pour mieux trouver ses compagnons de voyage. 

 

Silence substantiel

L’œuvre de Toru Takemitsu (1930-1996) est intimement liée à la nature et à une philosophie de l’interconnexion. Dans Air les pauses et les silences font partie intégrante de la narration musicale, et portent une charge expressive égale à celle du mouvement sonore. Une idée qui s’incarne dans le Ma (間), un concept esthétique japonais qui lie son et mouvement. Ma n’est pas absence mais présence, un silence vital qui donne sens à ce qui l’entoure. 

Takemitsu compose Air l’année même de sa mort. L’œuvre est empreinte de sérénité, et d’une acceptation profondément émouvante. 

 

Bach, Prélude de la Suite pour violoncelle seul n.1

En allemand, « Bach » signifie « ruisseau ». Un cours d’eau. 

« L’eau est une force qui donne vie, une conteuse, une unificatrice de peuples, une inspiration, une passeuse de savoir, elle est récipiendaire de la mémoire. Les rivières sont comme des histoires. Elles ont un début, un milieu, et une fin. Elles s’écoulent. Si on le leur permet. » Pamela Michael, Le don des rivières.

Mai Bataraki II

Le mot "Mai" (舞) peut se traduire par « danse », mais se réfère plus spécifiquement à un style de danse délibérément lent, basé sur des mouvements circulaires. Le Mai trouverait son origine dans les rituels Shinto et les festivals agricoles. Une danse pour honorer les Dieux et assurer fertilité et moissons abondantes. Les mouvements invoquent la connexion entre le monde des humains et celui des divinités. Souvent accompagnées de la flûte (nohkan), de percussions (kotsuzumi et otsuzumi), et d’un petit chœur, ces danses sont nimbées d’une atmosphère d’un autre monde. Le souffle du flûtiste et le phrasé profondément chorégraphique de Mai Bataraki II évoquent les gestes fluides du danseur, exécutant solitaire d’un rituel mystérieux. 

 

Jogi Yuasa est née en 1929 et disparaît en juillet 2024. « Le temps traditionnel japonais n’est pas basé sur le mouvement physique, mais plutôt sur la continuité de la respiration. » Cette pièce date de 1987. 

Bach Allemande

La plupart des rivières sont toujours vivantes, et sont immensément résilientes. Il semble aujourd’hui possible que l’humanité défasse les dommages qu’elle a infligés à la nature au siècle dernier. Un point de départ pour ce travail pourrait être de retrouver une conception de la Terre proche de celle de nos anciens. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons besoin d’histoires sur les rivières » Pamela Michael, Le don des rivières

To invoke the clouds (Pour invoquer les nuages) de John Thow (1949-2007) fut composé en 1995, spécifiquement pour la flûte baroque. La pièce est basée sur un prélude à une cérémonie de la pluie pour flûte exécuté à l’aube par le peuple Hopi. D’après la tradition musicale du peuple Hopi (natif du Nord-Ouest de l’actuel Arizona), l’humanité fait partie intégrante de la nature et doit vivre en paix et en harmonie avec elle. Lors de ce rituel, les Katcinas (ancêtres divinisés incarnés par des danseurs masqués) soutiennent les cultures en favorisant les pluies. On les appelle aussi les « Dieux de la pluie » et leurs chants, « Chants de pluie et de croissance ». La flûte baroque permet de se rapprocher de ces racines magiques grâce à des techniques de jeu comme le glissando, le vibrato digital, et de forts accents d’air.

Quays, Giacinto Scelsi (1905-1988)

Scelsi concevait sa musique comme un pont – un quai – menant à des degrés de conscience plus élevés. Il s’éloigna des conceptions occidentales de l’harmonie et de la forme musicales, se focalisant plutôt sur la vie interne du son : un son peut se développer en de complexes variations micro-tonales, dynamiques, et timbrales. Cette approche résonne avec les philosophies orientales, pour qui la méditation sur un objet ou concept (ici le son) peut amener à l’illumination. Pour Scelsi le compositeur n’est pas « créateur » mais « vaisseau » de forces transcendantales.  Sa musique naît souvent de l’improvisation, enregistrée puis retranscrite par des assistants. Un quai est aussi une jetée ou un embarcadère souvent construit en pierre ou en béton, où navires et vaisseaux peuvent s’amarrer. Métaphoriquement, un quai peut symboliser un point de départ – un espace interstitiel entre terre et eau.

Itinerant fut composé par T. Takemitsu en 1989 à la mémoire de son ami Isamu Noguchi, artiste visuel. Les deux artistes partagent une même conception du processus de composition, par lequel une pièce entre nécessairement en relation avec son environnement. L’utilisation de techniques instrumentales non-traditionnelles telles que de forts accents d’air et des trilles micro-tonals évoquent le son de la flûte japonaise Shakuhachi. 

Le son de la flûte Shakuhachi

M’emporte vers un pays lointain, en automne

Quand la voix mélancolique du cerf

 

Appelant son aimée

Résonne parmi les arbres flamboyants

Du gel au lèvres

 

Il invoque le souffle murmurant

Dérivant dans la flûte

Quand elle émet les harmoniques de l’âme

Jacob Raz

Les Menuets

L’agilité de la flûte prend l’auditeur.ice par la main et l’invite à danser

Unanswered Questions (Questions sans réponses) de Tristan Murail (né en 1947), également composé en 1995, est dédié au flûtiste français Dominique Troncin. Solidement ancré dans le courant de la musique spectrale, le son y est traité comme phénomène physique. Murail se concentre sur les propriétés acoustiques de la flûte et explore des progressions harmoniques basées sur des déviations micro-tonales de quelques notes-ancres, s’éloignant de la série des harmoniques naturelles. « Unanswered questions » est empreint de mystère et d’interrogation. La pièce se concentre sur l’exploration du mystère sonore plutôt que sur une quelconque résolution. 

Sarabande de la Suite pour violoncelle seul 

La fine neige qui tombe

Contient tout l’univers

Et dans ses profondeurs

Tombe la neige. 

[Ryokan, Japon, 18e siècle]

Ivsha de Bnaya Halperin-Kaddar rejoint le cours d’eau et nous transporte vers une dimension nouvelle : c’est la seule pièce de l’album qui contient des sons produits électroniquement. L’un de buts de « Ivsha » est de préparer l’arrivée du prélude de Bach qui la suit, par le biais d’une note harmoniquement significative qui apparaît vers la fin de la pièce et gagne de l’importance.

 

« Ivsha » en Hébreux est un murmure. Comme le vent jouant à travers les feuilles d’un arbre

 

Mais quand le joueur et l’instrument ne seront plus, 

L’oreille et le cœur

Embarqueront pour un voyage dans le néant

D’où ils tireront doucement des mélodies

Que seul un cœur vide peut entendre

 

Alors il entendra la feuille de l’olivier qui roule 

Jacob Raz

Le processus de composition fut très joyeux – passé à improviser et à expérimenter des techniques de jeu différentes et novatrices à la flûte ! Nous avions à cœur d’explorer les interactions entre corps, souffle et instrument, et avons voulu créer un espace pour que tous trois puissent converser sans l’interruption de la pensée. Le thème principal est constitué de fragiles sons sifflés ? : des sons produits par le minimum de souffle, ce qui les rend impossibles à contrôler – la mélodie se matérialise par elle-même.

Le problème éternel du rapport nature-culture était vivement présent à nos esprits. La flûte est l’un des artefacts humains les plus anciens, et sert ici de pont entre ces deux mondes. Nous avons utilisé comme matériau sonore l’appel des phoques de Wedell, en contraste avec les sons de la flûte modifiés électroniquement, mais en conservant une cohésion sonore et musicale. 

 

Prélude de la Suite pour violoncelle seul BWV 1008

Le Deuil est Gratitude

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